Manifeste pour la philosophie

16 internautes sur 17 ont trouvé ce commentaire utile.Idéal pour débuterPar Guillaume R.Je ne connaissais pas du tout la philosophie de Badiou lorsque j'ai ouvert ce livre. Je savais juste qu'il l'avait écrit en 1989, soit un an tout juste après son grand oeuvre (L'Etre et l'événement).La thèse principale de ce livre prend le contrepied d'une thèse en vogue depuis Heidegger: celle de la fin de la philosophie. Badiou postule au contraire que la philosophie est toujours possible, mieux même, qu'en ces temps troublés, elle est nécessaire. Alors d'où vient que la philosophie ne puisse pas s'étendre dans toute sa lattitude?L'analyse commence par détailler les conditions de possibilité d'une philosophie pleine et entière. Pour Badiou la philosophie est un lieu de compossibilité de 4 procédures génériques qui ont une origine événementielle. Donc qui laisse des traces permettant de remonter à la vérité première de l'être. Ces 4 procédures sont le poème, le mathème, l'amour et la (vraie) politique.Une fois cela établi, Badiou passe en revue _à grands traits certes_ l'histoire de la philosophie depuis le début du XIXème siècle (Hegel). Il isole plusieurs périodes où la philosophie est apparue "liée" à une seule des procédures génériques. Il appelle cela, d'un nom fort expressif, une suture. Ainsi, selon Badiou, Heidegger aurait suturé la philosophie à sa condition poétique; empêchant par là-même son plein développement.Arrivé au chapitre 8, il établit ce qui rend nécessaire aujourd'hui de dé-suturer la philosophie. Et ce, en ressaisissant l'événement, ce qui a eu lieu en plus : "Tant qu'il n'arrive rien, sinon ce qui est conforme aux règles d'un état de choses, il peut certes y avoir de la connaissance, des énoncés correctes, du savoir cumulé; il ne peut y avoir de vérité" et donc pas de discernement de l'indiscernable qu'est l'être de cette vérité (cf p.17).Badiou postule qu'aujourd'hui cet indiscernable est pensable en tant qu'indiscernable. Pour cela il utilise un concept tiré de l'oeuvre du mathématicien Paul Cohen: le générique. Cela lui permet de prendre la mesure de l'un du multiple et du multiple de l'un. Donc de tracer un lieu de compossibilité unique de multiples conditions génériques; et par là-même d'approcher de la question princeps de la philosophie, celle de l'être-en-tant-qu'être.Au terme de l'analyse de ce livre très sommairement résumée ici, je ne peux que conseiller cette pensée certes difficile mais toujours rafraîchissante et jamais confuse. C'est cela qui est vraiment très intéressant pour le lecteur de Heidegger que je fus: rétif à l'idée de me plonger dans la nébuleuse de l'Etre, j'ai découvert au contraire un monument de clarté, sans détours ni circonlocutions.Je ne peux que le recommander aux lecteurs souhaitant soit posséder un certain état de la pensée de Badiou à un moment donné, soit s'initier à sa pensée philosophie pour dépasser les clichés véhiculés sur sa personne par la sphère politico-médiatique.